Aldo et les défis de l’omnicanal

La semaine dernière, suite à la conférence E-Commerce organisée par Les Affaires, je vous parlais du parcours client qui est au cœur du concept de stratégie omnicanale. Penchons-nous maintenant sur la dimension logistique d’une telle stratégie.

Je vous présenterai huit défis propres à la logistique omnicanale qui ont été énoncés par Marc Chrétien, Directeur des opérations – Commerce électronique, du Groupe Aldo. M. Chrétien a très bien dépeint les enjeux de l’implantation d’une telle stratégie dans sa présentation intitulée « Le Groupe Aldo en 2005 : « Personne n’achètera des chaussures en ligne ! » ». Bien qu’on se transporte ici dans l’univers de la chaussure, vous verrez que ces défis représentent bien les enjeux auxquels n’importe quelle entreprise de commerce de détail doit faire face en implantant une stratégie omnicanale.

aldo-omnicanal

1. Exactitude de l’inventaire et disponibilité réelle

« Est-ce que je peux vraiment vendre ce produit ? Est-il vraiment disponible ? »

Omnicanal = un seul inventaire. Comment savoir si la paire de chaussures en démonstration dans X boutique du Centre-Ville peut réellement être vendue en ligne ? Est-ce qu’un vendeur est entrain de la vendre au client en ce moment même ? Puisqu’elle a été essayée plusieurs fois, a-t-elle été endommagée en cours de route ? Il est difficile de savoir si un produit est réellement disponible pour être vendu sur le Web lorsqu’il n’y a pas d’inventaire distinct pour le e-commerce.

2. Exactitude de l’inventaire et temps de traitement

Magasin 1 – Magasin 2 – (…) – Magasin 5

Les commandes en ligne sont traitées par les boutiques équipées de shipping stations. Elles peuvent accepter de traiter les commandes, ou les « lancer » au magasin le plus près qui a le produit en stock. Cela veut dire qu’il peut s’écouler quelques heures avant qu’une commande soit traitée. Le délai occasionné est un problème en considérant que les consommateurs numériques sont de moins en moins patients…

3. Mise en marché d’un large inventaire de produits

Stocks centralisés = produits récents et des saisons passées en stock. L’inventaire de produits est donc énorme. D’une part, les consommateurs peuvent être désorientés face à un choix trop volumineux. D’autre part, il y a un risque de cannibalisation des ventes des nouveaux produits. Pensez-y… Vous avez le choix entre une paire d’escarpins noirs à 49,99 $ ou une paire d’escarpins noirs à 109,99 $. Si les produits sont similaires, vous choisirez probablement celui en rabais. Pour contrer cette problématique, Aldo retire les produits des saisons passées de son site Web.

4. Répartition de l’inventaire et économies de livraison

Shipping stations = économies. Si une commande est envoyée à partir d’une shipping station à proximité du domicile du consommateur, les coûts de livraison seront plus faibles que si elle est acheminée à partir d’un entrepôt lointain. Or, si la paire de chaussures commandée a été traitée au magasin 10 (voir point 2), l’avantage des économies de livraison s’annule. Bref, l’exactitude de la répartition de l’inventaire (voir point 1) détermine si Aldo profitera ou non d’une diminution de ses coûts de livraison.

5. Conflit d’intérêts avec la force de vente

Motivation des vendeurs = commissions ou objectifs de vente. En tant que vendeur, vous avez donc intérêt à garder les produits en stock pour les vendre à vos clients. Dans ce contexte, vous serez probablement tenté de « lancer » les commandes en ligne au magasin suivant pour conserver vos stocks (voir point 2). Ici, les intérêts du commerce en ligne sont donc en contradiction avec ceux de la force de vente. D’un côté, on veut traiter les commandes le plus rapidement possible, et de l’autre, on veut vendre.

6. Évolution constante, formation et communication

Changement dans le système = formation. Dans le cas d’un entrepôt utilisé exclusivement pour la vente en ligne, il faut former les employés de cet entrepôt. Chez Aldo, il faut former tous les employés des boutiques. En d’autres mots, il faut former 900 équipes plutôt qu’une. Aldo s’est adaptée à ce niveau grâce à des représentants pour chaque région et des centres soutien destinés à la formation. La communication interne est un enjeu de taille, et nécessite une restructuration dans le cadre du passage d’une stratégie monocanale ou multicanale à une stratégie omnicanale de ce type.

7. Contrôle de la qualité et attentes des consommateurs

Quand « attentes » ≠ « résultat ». Lorsque vous commandez un produit en ligne, vous vous attendez à recevoir un produit neuf en parfait état. Avec les shipping stations utilisées par Aldo, il y a un risque que vous receviez un produit qui a déjà été essayé par un autre client, et que celui-ci ait laissé sa trace (une égratignure qui n’a pas été remarquée du vendeur ou de la personne qui a envoyé la commande par exemple). Le contrôle de la qualité devient ainsi beaucoup plus difficile à gérer. Chez Aldo, les produits achetés en ligne peuvent être échangés dans n’importe quelle boutique physique. À défaut de contribuer directement au contrôle de la qualité, ce type d’initiative permet de corriger le tir plus facilement en cas de faille sans frustrer le consommateur.

8. Inventaire conflictuel : magasins vs. e-commerce

Les inventaires sont constamment en conflit. Pour reprendre les mots de M. Chrétien, Il y a une « bataille culturelle » qui s’installe. Les vendeurs veulent vendre l’inventaire des boutiques à leurs clients et non les envoyer à des clients virtuels (voir point 5). Aldo utilise un moyen omnicanal pour surmonter ce défi : les clients servis par des vendeurs en magasin peuvent commander n’importe quel produit du Web. Ici, le commerce en ligne n’entre plus en conflit avec l’atteinte des objectifs de la force de vente, il y contribue.

L’omnicanal : un mal nécessaire

Notre cher omnicanal est particulièrement avantageux, mais il vient avec son lot de défis logistiques à surmonter. Ce n’est pas une pure utopie. Or, c’est ce que le consommateur moderne exige, c’est ce qu’il attend désormais du parcours client qui lui sera offert. Tout est une question d’adaptation graduelle, comme l’a démontré Marc Chrétien en présentant le cas d’Aldo. Il a bien expliqué ces huit défis en soulignant qu’ils sont encore bien présents chez Aldo, qui se veut pourtant assez novatrice en matière d’omnicanal.

Les détaillants devront faire preuve d’agilité dans les prochaines années pour s’adapter à la tendance d’un point de vue logistique en centralisant leurs inventaires efficacement sur le Web tout en les décentralisant de façon physique…

EnregistrerEnregistrer