Les blogueurs comme communicateurs marketing : comment ça marche?

Êtes-vous un lecteur assidu de blogues? Avez-vous vos blogueurs fétiches? Et puisqu’on jase marketing, est-ce qu’un blogue vous a déjà incité à acheter quelque chose? Dans ce billet, nous nous intéresserons au marketing par bouche-à-oreille (anglais : word-of-mouth marketing ou WOMM) dans le contexte du blogue. Nous allons revisiter l’article scientifique suivant:

Kozinets, Robert V., Kristine de Valck, Andrea C. Wojnicki et Sarah J.S. Wilner, (2010). « Networked narratives: understanding word-of-mouth marketing in online communities », Journal of Marketing, 74(2), p.71-89.

Le marketing par bouche-à-oreille est définit comme étant l’influence intentionnelle des communications entre consommateurs par l’usage de techniques marketing (traduction libre). À prime abord, cette méthode a le potentiel d’être très puissante car, comme les auteurs le mentionnent, il a été démontré que le bouche-à-oreille a un impact sur la majorité des décisions d’achat. Cette méthode est devenue encore plus intéressante dans le contexte du Web moderne, qui met de l’avant le contenu généré par l’usager.

L’évolution de la théorie du bouche-à-oreille dans le temps

Ceci dit, les auteurs démontrent par cet article que la réalisation d’une campagne de WOMM est remplie d’embûches. Ils entament leur argumentation par la description de l’évolution de la connaissance scientifique qui entoure le bouche-à-oreille. Le plus ancien modèle, qui a pris naissance dans les années 40, soutient que les échanges entre consommateurs prennent une importance plus grande que la communication marketing comme influence à l’adoption de produits ou services. Ce modèle s’appuie d’ailleurs sur le postulat que le bouche-à-oreille se produit de façon spontanée sans l’intervention des marketeurs.

Le deuxième modèle présenté souligne l’importance de certains consommateurs qui possèdent une influence particulièrement forte. On les décrit comme des « leaders d’opinion ». Puisqu’ils sont considérés par leurs pairs comme plus crédibles que les autres messages marketing, comme la pub télé par exemple, ils représentent un relai intéressant pour le marketeur voulant diffuser un message.

Le troisième et plus récent modèle considère le consommateur comme étant un cocréateur du message de bouche-à-oreille et que par conséquent, ce message se construit aussi à travers sa diffusion dans le cercle social du consommateur. Bref, nous en sommes là!

Les auteurs cherchent à identifier comment les communautés en ligne réagissent face au marketing par bouche-à-oreille qui leur est destiné. Afin de répondre à cette question, les chercheurs ont observé une campagne marketing où un produit était distribué à un groupe de consommateurs influents dans l’espoir qu’ils en parleront de façon positive. Précisément, la campagne ciblait des blogueurs influents. Les auteurs ont observé une campagne mise sur pied par un fabricant de téléphone cellulaire. Le fabricant a offert gratuitement son nouveau modèle de téléphone à 90 blogueurs influents. Ces derniers devaient satisfaire certains critères de sélection, comme atteindre un certain niveau d’achalandage quotidien sur leur blogue. Les blogueurs ont été encouragés à écrire au sujet du téléphone bien que ce n’était pas formellement exigé. Dans l’article, les auteurs ont décrit en détail leur observation de quatre blogueurs en particulier, qui affichaient tous un « personnage » différent, ce qui a mené à des résultats eux aussi bien différents.

Pourquoi peut-on obtenir des résultats différents d’un blogue à l’autre, et ce, avec la même campagne de WOMM?

Comme les auteurs ont pu l’observer à travers leurs recherches, il existe quatre facteurs importants influençant la communication bouche-à-oreille, particulièrement dans le cas du WOMM:

  1. Le type de personnage incarné par la blogueur ainsi que les valeurs qui accompagnent ce personnage. L’exemple de la « mère blogueuse » est utilisé à plusieurs reprises à travers de l’article.
  2. Le forum dans lequel la discussion prend place. Bien entendu, cette étude s’intéresse tout particulièrement au blogue comme forum principal. Ceci dit, les auteurs soulignent que le blogue peut encore être divisé en sous-catégories possédant leur réalité propre.
  3. Les normes communautaires qui régissent la création, la transmission et la réception du message. Ces normes sont fonction de la communauté et de ses membres. Dans certaines communautés par exemple, un message d’intérêt commercial peut être très mal vu.
  4. Les caractéristiques de la campagne marketing par bouche-à-oreille, telles que le type de produit et la marque.

Quels sont les facteurs de succès d’une campagne de WOMM?

D’abord, chaque blogue possède son histoire et son identité. Les lecteurs ont des attentes relativement arrêtées sur le contenu qu’ils s’attendent à retrouver sur le blogue. Ces attentes sont basées en grande partie sur leurs expériences antérieures avec le blogue en question. Parallèlement, chaque blogue possède des normes qui dictent les actions qui sont acceptables et celles qui ne le sont pas. Dépendant des attentes des lecteurs et des normes de la communauté, l’ajout d’un argumentaire commercial n’est pas toujours bien reçu. D’ailleurs, le type de « personnage » incarné par le blogueur modifie le message marketing et le teinte de sa couleur. Certains « personnages » seront nécessairement plus adaptés à la transmission de message pour une catégorie de produits donnée. Par exemple, la blogueuse discutant de la mode est probablement plus outillée et crédible pour parler du nouveau modèle de bottes en peau de chameau (notez que je ne suis pas un expert dans le domaine de la botte et que ceci est un exemple fictif).

Qu’est-ce qu’on en retire?

Au final, le marketeur doit observer et connaître en profondeur les blogueurs et les communautés qu’il désire approcher. Il doit s’assurer que le « personnage » du blogueur ainsi que les normes en vigueur se prêtent favorablement au message qu’il cherche à diffuser. Cette étape est cruciale car le danger que le message soit rejeté en masse est bien réel.

Bien entendu, il est essentiel de mesurer la performance de l’initiative WOMM par des mesures adaptées à la réalité du blogue, comme nous l’avons démontré dans un billet précédent traitant de la mesure de la performance dans les médias sociaux.