Le Web : un canal toujours méprisé par les détaillants du luxe

Dans le cadre de DTL QC., j’ai récemment assisté à une conférence donnée par Joanne Nemeroff, Vice-présidente principale des marques Ogilvy et Holt Renfrew, portant sur la redéfinition de l’expérience client suite à l’association des deux marques. Je ne vous apprendrai rien en disant que la future boutique Holt-Ogilvy offrira une expérience client en boutique qui fait rêver, incluant des suites luxueuses à la disposition des meilleurs clients souhaitant transformer leur magasinage en quasi-événement mondain.

J’ai été étonnée que Madame Nemeroff n’aborde que brièvement l’expérience Web qui sera offerte par la marque Holt-Ogilvy. Bien qu’elle ait présenté la stratégie omnicanale comme l’un des principaux perturbateurs du marché du luxe, elle a précisé œuvrer dans une industrie qui est en retard au niveau numérique – retard auquel Holt-Ogilvy ne fait pas exception. Pourtant, en 2013, déjà 48% des consommateurs américains avec un revenu annuel de plus de 100 000 $ disaient utiliser le Web pour découvrir de nouveaux produits de luxe selon eMarketer.

graph-luxe2

Qu’est-ce qu’une expérience Web luxueuse ?

Selon Joanne Nemeroff, la clientèle visée par Holt-Ogilvy accorde davantage d’importance à la relation avec les conseillers en magasin qu’aux produits. Chaque visite doit donc se traduire par une expérience agréable et stimulante. Les clients doivent être en mesure de découvrir l’histoire derrière les produits – et l’expérience Web doit servir de complément : « We need out customers to crave us. »

En 2015, si les boutiques de luxe offrent la meilleure expérience client en magasin qui soit, ne devraient-elles pas offrir également la meilleure expérience Web possible ? C’est le concept même de la fameuse stratégie omnicanale : permettre l’utilisation de plusieurs canaux pour un même achat. Bien sûr, les consommateurs s’attendent à une qualité constante d’un canal à l’autre. Le défi pour de telles boutiques est énorme, ce qui explique sans doute le retard de l’industrie. Les questions sont nombreuses : Comment recréer cette expérience exclusive en ligne ? Comment permettre aux conseillers d’interagir avec leurs clients sur le Web, sur mobile et en magasin ?

Madame Nemeroff a mentionné qu’un des objectifs de la marque Holt-Ogilvy était d’utiliser la technologie en magasin pour outiller les conseillers et les rendre autonomes. Les clients pourront-ils se connecter en ligne pour échanger avec leur conseiller personnel en temps réel ? Faire préparer des vêtements à essayer en envoyant une demande via mobile une heure avant de se rendre en magasin ?

Qu’est-ce qu’une expérience Web luxueuse ? Cela reste encore à déterminer, mais il devrait s’agir d’une expérience Web aussi facile et agréable qu’une visite dans une boutique de luxe impliquant des fonctionnalités de personnalisation poussées.

Le luxe doit-il se vendre en ligne ?

Les détaillants du luxe ont longtemps été hésitants à utiliser le canal Web pour leurs produits, de peur que la possibilité d’acheter en ligne affecte l’impression de rareté et le désir des consommateurs pour leur marque. Le dilemme était le suivant : réaliser des ventes supplémentaires ou réduire la perception d’exclusivité ?

Une étude récente présentée dans le International Journal of Retail & Distribution Management (2015) a montré que le fait d’offrir des produits de luxe en ligne n’influençait pas la perception qu’ont les consommateurs de la rareté, et ne réduit pas le désir pour une marque. Cette conclusion est le résultat de trois études distinctes : une série d’entrevues avec des experts du marché du luxe, une première expérimentation auprès de 183 Allemands ayant un revenu élevé portant sur l’accessibilité des produits, et une deuxième expérimentation auprès de 142 consommateurs de luxe américains portant sur l’accessibilité et l’affichage du prix. Les détaillants de produits de luxe ne devraient donc pas éviter le canal Web qui peut leur permettre d’augmenter leurs ventes. Même dans cette industrie, les consommateurs sont plus susceptibles d’acheter quand le processus de magasinage est simple et pratique.

Rappelons que catalogue de produits ≠ vente en ligne. Il est possible pour un détaillant d’augmenter la perception de la rareté d’un produit tout en l’intégrant à un son catalogue de produits. Par exemple, sur le site Web de Louis Vuitton, certains produits peuvent être ajoutés au panier, alors que d’autres doivent être commandés par téléphone. C’est le cas du sac à main fait d’alligator à 21 000 $ présenté ci-dessous.

louis-vuitton-vente-en-ligne

Page produit du louisvuitton.com

Au final, le luxe ne doit pas nécessairement se vendre en ligne, mais il doit certainement être disponible en ligne pour s’intégrer dans le processus d’achat omnicanal des consommateurs. De plus, la qualité de l’expérience client offerte en boutique doit transparaître dans l’expérience Web et mobile. C’est d’ailleurs ce que Joanne Nemeroff a laissé entendre en disant que l’expérience Web allait devoir servir de complément à celle offerte en magasin. Si Holt-Ogilvy n’opte pas pour la vente en ligne dans sa nouvelle stratégie d’expérience client, la marque devra tout de même accompagner sa clientèle sur tous les canaux. Puisque les conseillers ont plus ou autant de valeur que les produits, peut-être que ce sont eux qui seront disponibles en ligne…

Quelle est la place du Web dans la distribution et la promotion du luxe selon vous ?

 

Sources :

  • Kluge, P. N. et M. Fassnacht (2015). « Selling luxury goods online: effects of online accessibility and price display », International Journal of Retail & Distribution Management, vol. 43, no 10/11, p. 1065-1082.
  • eMarketer (2013). « Luxury Brands Follow Shoppers ot Digital », article.
1 réponse

Trackbacks (rétroliens) & Pingbacks

  1. […] Le Web : un canal toujours méprisé par les détaillants du luxe […]

Les commentaires sont désactivés.