Big Data et divertissement : passage de la distribution à la création de contenu

Il vous est sûrement déjà arrivé d’entendre ou d’utiliser le fameux terme Big Data sans le comprendre pleinement. Ne vous en faites pas, vous n’êtes pas seul !

Le Big Data semble être un buzzword au coeur de notre ère digitale. Pour mieux vous situer, les activités de Big Data signifient l’analyse de grandes sources de données afin de trouver des faits intéressants qui aideront à la prise de décision (SAS, 2016). L’utilisation des différentes techniques de Big Data permet aux entreprises de créer des campagnes marketing intelligentes en intégrant le plus de sources de données possibles afin d’offrir des recommandations plus efficaces et mieux ciblées.

Étant une industrie à haut risque financier, l’industrie du divertissement cherche à optimiser l’engouement autour de son contenu afin de maximiser sa rentabilité. Ainsi, l’utilisation du Big Data dans les différentes activités marketing permet d’améliorer le bouche-à-oreille et l’engagement de l’audience, mais aussi de prédire de façon significative les gains associés au contenu. Bien que le marketing et la distribution aient adopté le Big Data, qu’en est-il de son implication dans la production de contenu ?

Big Data et distribution

Dans l’industrie du film, l’utilisation du Big Data permet de plus en plus aux entreprises d’atteindre la bonne audience afin de faire la promotion de leurs film et de les distribuer à travers les bons canaux. Mieux encore, le Big Data permet maintenant de prédire de façon assez précise le succès d’un film au box-office, et ce, dès la première semaine. Un très bon exemple fut la collaboration de IBM avec une compagnie média qui a réussi à prédire à un niveau de confiance de 73% que le film bollywoodien Ram Leela serait un succès au box-officeCe fût possible grâce à une analyse de sentiments basée sur plusieurs milliers de publications générées sur les différentes plateformes de réseaux sociaux telles que Facebook, Twitter et des blogues. Non seulement cette analyse a permis de prédire le succès du film, mais aussi de limiter sa sortie aux villes où un sentiment positif avait été ressenti. Comme l’illustre ce cas, nous assistons de plus en plus à des mises en marché très ciblées dans le monde cinématographique.

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Source : kat.cr

Grâce au Big Data, il est maintenant possible d’offrir le produit aux gens qui le désirent vraiment. Par contre, si le contenu est mauvais, qu’il soit ciblé ou non, rattaché à un buzz ou non, ce sera un échec. Ici, le Big Data peut entrer en jeu et supporter la production en dirigeant la création de contenu. L’industrie a ainsi à sa disposition un autre repère que seulement son instinct créatif afin de subvenir aux attentes de l’audience.

Big Data et création de contenu

Jusqu’à tout récemment, l’information que l’on pouvait recueillir sur les consommateurs et leur appréciation du contenu était limitée. Il était possible d’obtenir la date de visionnement d’un film et l’appréciation générale, mais avec plusieurs biais. Grâce à l’arrivée des services de streaming (diffusion en mode continu), l’accès à des données plus précises sur la consommation de contenu est devenue possible. Par exemple :

  • Nombre de fois qu’une scène a été reculée ou avancée;
  • Moment exact où le film a été écouté, mis sur pause ou arrêté;
  • Temps passé à choisir un film;
  • Préférences de thèmes/genres ou même d’acteurs/actrices;
  • Endroit où le contenu est écouté;
  • Types de son, de scénario et de couleurs appréciés.

Tout cela est maintenant mesurable. Le volume important de données récoltées permet, avec les techniques de Big Data, de prédire quand un consommateur de contenu pleurera, rira ou s’ennuiera. L’utilisation du Big Data peut donc agir de façon complémentaire à la pensée créative afin de mieux positionner les idées.

Netflix est l’exemple parfait d’une entreprise influencée par le Big Data par rapport à la création de son contenu. En effet, l’émission à grand succès House of Cards a été entièrement basée sur des données analytiques. À l’aide du Big Data, Netflix a pu créer un algorithme qui lui a permis de découvrir plusieurs choses sur ses utilisateurs :

  • Plusieurs avaient visionné au complet The Social Network réalisé par David Fincher.
  • La version britannique de House of Cards avait eu de bonnes cotes d’écoute.
  • Ceux qui avaient écouté la version britannique de House of Cards avaient aussi écouté des films de Kevin Spacey et/ou réalisés par David Fincher.

Ces trois facteurs rejoignaient une quantité significative d’abonnés au service offert par Netflix (Leonard, 2013)C’est pourquoi l’entreprise a décidé de produire une version américaine de la série réalisée par David Fincher mettant en vedette Kevin Spacey. Cette décision s’est avérée fructueuse puisque House of Cards est l’une des séries les plus lucratives de l’entreprise. Pourquoi aimons-nous tant Netflix ? Disons que le Big Data et la personnalisation qui en découle nous incitent au binge watching !

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Source : bgr.com

J’entends déjà plusieurs personnes se questionner sur l’impact du Big Data et le risque de restreindre le processus de créativité. Détrompez-vous ! Il faut plutôt voir le Big Data comme un support à la création. Les données ne dicteront jamais comment produire du contenu créatif, mais elles peuvent clairement indiquer ce qu’il devrait contenir afin de capter l’intérêt de l’audience. Les gens de l’industrie du divertissement n’ont plus à dépendre de leur intuition afin d’assurer le succès de leurs créations. Ils ont maintenant à leur disposition un outil qui les supporte, et qui comporte un biais beaucoup plus faible.

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* Ce billet a été publié en collaboration avec HEC Montréal.